Dans le monde fabuleux de l’open-space se jouent plusieurs luttes intestines. Juste derrière deux combats majeurs, la température de la pièce et la bonne heure pour aller déjeuner (midi ou 13 heures?), se trouve l’épineuse question du niveau sonore de la pièce. Quand le bruit augmente à cause des gens qui braillent au téléphone ou qui se racontent leur week-end, il ne reste qu’une solution: essayer d’écouter de la musique pour se concentrer. Si l’astuce fonctionne pour certains, qui y trouvent une motivation pour travailler, d’autres sont pourtant distraits par la mélodie et incapables d’en tirer profit.

Il suffit de taper «musique concentration» dans n’importe quel moteur de recherche pour tomber sur de longues vidéos de musique destinées à rien d’autre qu’à travailler. Ces pistes d’une heure portent de doux noms comme «Musique pour étudier» ou «Concentration suprême» et sont accompagnées d’illustrations explicites, par exemple de gros cerveaux traversés de signaux électriques et entourés de neurones. Si ces vidéos peuvent paraître caricaturales, il faut pourtant rappeler que la musique sollicite des aires particulières de notre cerveau. «D’abord, l’aire des perceptions auditives est connectée avec les aires motrices du cerveau, ce qui explique qu’avec une musique rythmée aux fortes pulsations, on ait tout de suite envie de se synchroniser et de taper du pied. Ensuite, l’aide de la mémoire est également sollicitée. C’est elle qui permet de se souvenir si on a déjà entendu ce morceau, si on l’aime bien et de le comparer avec d’autres choses que nous avons déjà entendues», explique Hervé Platel, professeur de neuropsychologie à l’université de Caen, qui a beaucoup travaillé sur les liens entre musique et cerveau.

Un lien prouvé par la science

L’effet bénéfique de la musique sur l’environnement de travail n’est plus à prouver, en témoignent les nombreuses études scientifiques parues sur le sujet. «La littérature scientifique montre que la capacité d’attention et de concentration augmente avec de la musique dynamique. Elle accroît le niveau d’éveil ainsi que le niveau attentionnel.» Le spécialiste balaye d’emblée le mythe de «l’effet Mozart», qui voudrait que seules les mélodies du compositeur autrichien aient un effet bénéfique sur la productivité. Du moment qu’elle est rythmée, toute mélodie fait l’affaire.

Teresa Lesiuk, une chercheuse de l’université de Windsor, s’est penchée pendant cinq semaines sur la productivité des membres d’une équipe informatique, qui pouvaient chacun écouter la musique qu’ils aiment. Les résultats de l’étude ont montré que les sentiments positifs engendrés par la musique augmentaient la productivité de l’équipe. «On retrouve là un double effet. La satisfaction d’entendre une mélodie connue amène le cerveau à sécréter des endorphines, surnommées “les hormones du bonheur”, et la musique en elle-même augmente la qualité de l’attention.»

Pas tous égaux devant les mélodies

Cela dit, en fonction de notre vécu, nous ne sommes pas tous égaux face à ce type de stimulation auditive. Triste ironie, les personnes qui ont étudié la musique sont défavorisées par rapport aux autres. «Les personnes qui ont appris à analyser la musique voient leur attention totalement captée par la mélodie. Inconsciemment, elles ont tendance à analyser ce qu’elles écoutent et leur attention est captée par les notes qu’elles entendent.»

La personnalité s’avère aussi être un facteur important, selon qu’on soit introverti ou extraverti. «La musique de fond serait bénéfique pour les extravertis alors que les introvertis devraient plutôt s’en passer», explique Mats Küssner, docteur en musicologie et auteur d’une étude datant de 2017 sur le sujet. «Lors de tests de mémoire, les introvertis ont montré de meilleures performances avec du silence qu’avec de la musique complexe», explique-t-il. L’expérience montrait des résultats similaires avec de la musique pop et même avec d’autres exercices, comme de la lecture.

Introverti ou extraverti, avec dix ans de solfège au compteur ou non, mieux vaut, dans tous les cas, privilégier les musiques sans paroles en français pour maintenir l’effet de «bulle de concentration». «Sinon, la mélodie risque d’interférer avec les tâches à accomplir. Difficile de se concentrer sur un texte alors qu’on entend en même temps d’autres paroles en français», explique Hervé Platel. «Quand on comprend moyennement l’anglais, ça perturbe déjà moins. Mais les musiques sans paroles sont quand même préférables.» Électro, musique classique, musique d’ambiance… les possibilités ne manquent pas. Et qu’on se rassure, rien ne nous empêchera de chantonner sur du Céline Dion ou du Maître Gims en passant l’aspirateur le dimanche après-midi.

Cécilia Léger Journaliste

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